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Témoignage d'un quettehouais. La Guerre au Val-de-Saire

Par 
MOUCHEL Alfred
Récit recueilli par Etienne Marie-Orléach
Texte établi, présenté et annoté par Etienne Marie-Orléach

Alfred Mouchel, éleveur du Val-de-Saire, riche contrée située dans la pointe nord-est du Cotentin, nous livre ici un double témoignage. Dès 1947, l’homme, amoureux d’arts, belles lettres, poésie et peinture, propose un premier récit de son histoire vécue du Débarquement et de la bataille se déroulant sur son territoire. C’est ce témoignage que nous pouvons retrouver dans le recueil publié par René Herval, intitulé Bataille de Normandie (« La guerre au Val-de-Saire », in R. Herval (dir.), Bataille de Normandie : récits de témoins, Paris, Notre Temps, 1947, vol. 1, p. 120-125). En quelques pages, l’auteur évoque les souffrances, les peines endurées par la population soumise aux lois de la guerre mais aussi l’espérance et les joies liées à la Libération. Puis, plus de trente années s’écoulent et M. Mouchel, « à l’automne de sa vie », entreprend une réécriture du temps passé. Il en découle un récit plus élargi mais aussi moins consensuel, évoquant notamment l’avant-débarquement. Nous avons opté de retranscrire en italique les passages du témoignage de 1947 présents dans ce deuxième récit. Cette mise en parallèle de témoignages, où seules les années et la mémoire interfèrent, est stimulante pour tout chercheur qui s’attache à étudier l’évolution dans la retranscription d’un même événement.

Il nous faut craindre le pire, car les objectifs visés sont très proches.

Lors des bombardements aériens des 9 et 10 mai 1944, les hauteurs de Morsalines et de Crasville-Grenneville, ainsi que la route touristique Quettehou-Montebourg, furent totalement bouleversées sur une large étendue1Une batterie côtière de six canons est la cible de ce bombardement du 10 mai 1944. Située sur les hauteurs de Morsalines, la batterie inquiète les Alliés à cause de sa portée, estimée à une vingtaine de kilomètres, en prévision du débarquement à Utah Beach.. Dans le camp de prisonnières russes2Les forces allemandes, ayant perdu le meilleur des troupes (envoyées sur le front de l’Est), ont recours à des incorporations diverses afin de combler le manque d’hommes et aussi de main-d’œuvre féminine. C’est ainsi que nous retrouvons, en Normandie notamment, des recrues issues des territoires occupés de Russie, des prétendus volontaires de différentes nationalités ainsi que des prisonniers russes auxquels on a promis la nationalité allemande., six femmes trouvèrent la mort, ainsi que le cantonnier de la commune G. Fleury, dont le corps ne fut jamais retrouvé. En outre, plusieurs fermes et de nombreux foyers furent complètement écrasés. Maintes personnes sortirent indemnes de leur maison détruite. Cette même nuit, des bombes isolées tombèrent en différents endroits, loin des objectifs visés. À Quettehou, un journalier de la Buhoterie, L. Marvie, et sa femme furent retirés des décombres sérieusement blessés ; leurs deux enfants y périrent étouffés. La commune de Valcanville eut à déplorer six morts dans la même famille.

On comprendra la violence du raid de la nuit du 10 mai en sachant que pour la seule journée du lendemain il ne fallut pas moins de quatre cents requis civils avec pelle et pioche, pour remettre en état de circulation la route départementale profondément enfoncée sur une longueur de 2 kilomètres. Pendant que s’opéraient ces travaux de réfection imposés aux habitants de Quettehou – Saint-Vaast-La-Hougue, un bon farceur avait jeté la panique en provoquant une fausse alerte.

Début de juin 1944

Depuis plus d’une semaine, presque chaque jour, les bombardiers lourds et légers de la RAF3 Royal Air Force. redoublent leurs attaques, ils pilonnent presque sans interruption les hauteurs de Morsalines et de Crasville. Par malheur, trop souvent les engins frappent au petit bonheur. Les habitations écroulées ne se comptent plus. Beaucoup de foyers de la région dénombrent un ou plusieurs morts.

L’atmosphère est lourde d’inquiétude. Les nerfs sont à vif à force d’être tendus par les émotions fortes[.] Chacun attend ! Mais au fait qu’attendons-nous ? Personne ne le sait au juste. Depuis des jours et des nuits, nous vivons des moments pénibles. La trompette du jugement dernier ne nous impressionnerait pas davantage que ces chocs infernaux qui font vibrer le sol et trembler gens et bêtes. Dans chaque ferme, chaque foyer rapproché des objectifs, on creuse ou on perfectionne[,] avec une activité fébrile, un abri que chacun voudrait invulnérable... Mais hélas, à la moindre alerte, ou la nuit venue, des familles entières se terrent comme des lapins de garenne, mais en vérité, où est la vraie sécurité ? La bonne place peut-elle exister ? Quand on songe que deux minutes à peine suffisent aux machines volantes pour réduire à néant le fruit de deux années de bétonnage représentant des milliers d’heures de travail.

À Quettehou comme partout ailleurs, l’accélération fiévreuse des préparatifs dénote chez l’ennemi la peur bleue du Débarquement qui paraît de plus en plus imminent. La mauvaise grâce teutonne4Terme sophistiqué utilisé pour évoquer les troupes d’occupation. est à son paroxysme. À la mairie de Quettehou, la botte rageuse de l’interprète de la Kommandantur5La Kommandantur est le nom donné au siège local de l’administration des armées allemandes. Présente dans les bourgs et les villes, la Kommandantur régit l’administration du territoire occupé. martèle le plancher de la salle. La face glabre et haineuse de « ce manitou » de la commune laisse glisser[,] sur chaque cultivateur de mauvaise volonté, un sournois regard de fauve.

Les ordres individuels de réquisition pointés dans son énorme tête carrée sont « jappés » sans arrêt, et naturellement ils sont impératifs. Sur chacun d’eux, on lit ce post-scriptum écrit à l’encre rouge : « Tout défaillant sera fusillé ! » À bon entendeur salut ! Donc rien à faire, il faut coucher les pouces. M. le Maire ne vit plus, il est vieux et désemparé, il ne peut que courber l’échine.

Hommes, chevaux, banneaux6Terme du patois normand désignant une petite banne. et voitures sont à la disposition des suppôts d’Hitler. Chacun se raccrochant à la solution la meilleure s’arme de courage, d’autant plus que cette situation pénible pour tous ne peut durer longtemps.

Le flâneur, qui en temps normal dirige ses pas sur les coteaux dominant le bourg de Quettehou et le village de Morsalines, est frappé par la splendide beauté du panorama qui se déroule devant lui. C’est de ce joli chapelet de mamelons transformés pour l’heure en hideux fortins, que nos « profanateurs » inquiets regardent tout comme « sœur Anne » 7Sœur Anne est un des personnages du conte de Charles Perrault Barbe-bleue. s’ils ne voient rien venir.

Cette magnifique couronne d’émeraude [all]ant de Port-en-Bessin à Barfleur qui orne la « grande bleue » sera-t-elle échancrée, déchirée, mutilée par l’inévitable choc ici ou là ?

Là-bas, les barrières de la « défunte » ligne Maginot baignent leur disgracieuse carcasse à demi vêtue de varech ; remparts grotesques, elles étaient en éventail tout le long de la baie de Morsalines8Dans le cadre de la fortification du Mur de l’Atlantique, des barrières directement issues de la ligne Maginot sont disposées en éventail sur la plage, comme c’est le cas à Morsalines.. Plus loin au-delà de Grenneville et d’Aumeville-Lestre, ce ruban bizarre ressemble au long squelette d’un gigantesque reptilien de la préhistoire.

Telle une figure de proue, la Hougue semble étendre dans l’eau écumante son grand bras comme pour empêcher que l’on profanât ces lieux si beaux et si chers, qui sont une véritable merveille de la nature.

Au jour J, à l’heure H

Le 6 juin vient de naître. Dans l’obscurité, sur la commode, le réveil marque 2 heures du matin. Malgré ma demi-torpeur, je perçois le bruit démoralisant des moteurs qui ronronnent comme un gros chat assoupi. Semblant venir de la haute mer, des coups sourds de plus en plus formidables et rapprochés répercutent à tous les échos des secousses insolites qui communiquent la « chair de poule ». Des fondations au faîte, la maison entre en branle, il semble qu’une poigne d’Hercule veuille arracher de leurs gonds les fenêtres et les portes. Brusquement, des multitudes de chandelles s’allument au firmament. Leur clarté bleutée ou orangée, virant au rouge, éclabousse le paysage à perte de vue. Mon dieu ! que va-t-il se passer ?

En toute hâte, à moitié vêtus, muets d’épouvante et claquant des dents, nous traversons la cour et allons nous engouffrer dans l’abri naturel de 1’abreuvoir à sec, préventivement approfondi, sous le tronc protecteur du vieux chêne séculaire, près du porche. Hâtivement, je bouche le devant avec des bourrées et là, tassés contre l’arbre penché, haletants, nous écoutons battre nos cœurs. De temps à autre, un éclat perdu de DCA 9 Défense Contre Avion : défense antiaérienne. se fiche tout fumant sur le sol avec un violent impact. En face, derrière la sombre et fière silhouette du vieux fort, le profil d’un gros croiseur en position de bataille découpe dans la pénombre sa masse imposante et redoutable. Des crachats de feu jaillissent de la gueule de ses canons.

Un peu partout, les obus de marine tombent dru. La Pernelle et Grenneville en prennent plein leurs « entrailles ». L’artillerie allemande essaie de riposter, mais les sifflements redoublent et poursuivent en tous sens une trajectoire entremêlée avec des éclaboussements d’étincelles.

Des avions[,] que l’on devine lourdement chargés, se dirigent en groupes compacts vers le centre Cotentin. Les « vert-de-gris » 10Dans l’écrit de 1947, pour désigner les Allemands, au lieu de l’expression « vert-de-gris » renvoyant à la couleur de l’uniforme allemand, l’auteur de ces mémoires parle de « frisés », terme familier et péjoratif, altération du mot Fritz, qui est à son tour le diminutif du nom propre Friedrich. glapissent dans les terriers, là tout près dans les clos derrière Thybosville ; ils doivent désormais comprendre que pour eux rien ne va plus.

Pour nous, il n’y a plus l’ombre d’un doute : c'est bel et bien le Débarquement.

La curiosité me dévore ! Malgré ma femme qui veut me retenir, je risque hors du trou-abri quelques timides enjambées. Le petit jour qui commence à poindre stimule mon envie de voir, de savoir. Et puis, il va bien falloir vaquer à nos occupations journalières. J’entends déjà brailler mes vaches qui connaissent bien l’heure où l’on va soulager leurs mamelles.

Les appareils de reconnaissance très nombreux font leur apparition, ils évoluent gracieusement en frôlant presque la crête des arbres. La mitraille crépite, une forte odeur de poudre plane dans l’air [;] un peu partout, gisant dans les clos d’alentour, ou encore accrochés aux ormes des talus, des parachutes délestés de leurs passagers claquent mollement au vent.

De l’observatoire de fortune où je suis niché, l’innombrable multitude de bateaux de toute jauge qui encombrent tout l’horizon marin m’offre un spectacle gigantesque. La bordure violacée des rivages partant de Quinéville – Les Gougins et bien au-delà de Sainte-Marie-du-Mont, est littéralement ensevelie sous les flocons de fumées ouatées ; les vents nous refoulent des relents d’incendies.

Pendant que je trais ma vache, tout à coup, à ma droite, dans la pièce à contrebas, non loin du hameau Mansais quelques salves de mitraillette rappellent à la réalité. Les mousquetons répondent. Hélas ! Un petit groupe de parachutistes, lâchés prématurément par erreur stratégique dans la « gueule du loup », engagent une lutte sans merci et s’apprêtent à vendre chèrement leur vie 11Alors qu’il devait être largué sur Ravenoville, un groupe de parachutistes américains se retrouve par erreur dans les environs de Quettehou, à une quinzaine de kilomètres au nord du point de ralliement. Une dizaine de ces parachutistes sont faits prisonniers des Allemands. Les autres seront tués ou se cacheront en attendant l’arrivée des Américains qui libèrent la commune le 20 juin 1944. . Tout cela… tout cela, c’est la bataille de Normandie qui commence.

Autour de la plaque tournante

Le sort en est jeté ; notre département offre le premier holocauste sur l’autel de la patrie. [Il] va endurer pendant un certain temps les affres les plus terribles qu’il ait connues au cours des siècles. Depuis la prise de contact des troupes alliées sur le flan de notre presqu’île12Bloquées par le verrou de Montebourg, où la résistance allemande est acharnée, les troupes de Collins débarquées à Utah s’engagent dans une course vers l’Atlantique afin de couper la presqu’île. Dans la nuit du 17 au 18 juin, Barneville tombe aux mains des Alliés. C’est la 4e Division d’Infanterie qui se chargera du couloir est pour la montée sur Cherbourg., chaque jour qui s’écoule grave une page glorieuse à la postérité. L’histoire du martyrologe de notre « Versailles normand »13Valognes concentre entre ses murs, et depuis le XVIIe siècle, les administrations civiles, religieuses et militaires. Elle attire la bourgeoisie. Des hôtels particuliers y sont construits, ce qui vaut à la cité le surnom de « petit Versailles normand ». et de Montebourg[,] la fière petite cité cassine14Adjectif donné à la ville car son monastère bénédictin a été fondé sur le modèle de celui de Mont Cassin en Italie., planera sur les générations futures.

Cependant le sort réservé à Valognes, presque complètement écrasée par l’aviation15Valognes subit dès le 6 juin 1944 un premier bombardement. Le 7 et le 8 juin l’aviation alliée bombarde de nouveau la cité, qui devient alors un amas de ruines., ne ressemble pas à celui de sa voisine cotentine et de ses environs proches. Il faut souligner [que] c’est dans cette dernière localité que se rive la « plaque tournante » du troisième front. C’est là, après sa jonction avec les formations parachutées, que l’ultramoderne armée américaine déborde et paralyse la trop fameuse tactique germanique du Général Rommel.

De la « Porte du Bas-Val-de-Saire » nous assistons, ou plutôt nous écoutons se dérouler le drame qui se joue maintenant de l’autre côté des landes d’Ozeville. La canonnade, selon qu’elle s’éloigne ou se rapproche, nous indique le flux et le reflux du flot guerrier qui, sans répit, déferle par-dessus monts et vallées. Sacrifiées, elles aussi, de paisibles bourgades ne sont déjà plus qu’un amas de ruines à demi calcinées.

Les trois quarts des habitations et corps de ferme sont la proie des flammes après avoir été mis à sang. Beaucoup d’églises mutilées offrent à tous les vents des trous béants et laissent parfois entrevoir[,] dans un clocher, des cloches qui ne sonnent plus le symbole de la vie humaine.

À Saint-Marcouf, Quinéville, Saint-Floxel, Ozeville, Azeville, Joganville, les enclos, les chasses16Chemin rural encaissé dans le champs ou bordé de haies, du patois normand « cache »., les chemins vicinaux sont jonchés de cadavres qui gisent pêle-mêle parmi les charognes. Des statistiques prouveront que[,] dans ce canton, près de 80 % du cheptel a péri dans la tourmente 17Dans le département de la Manche, les pertes en bétail sont estimées à 100 000 bovins (dont 50 000 vaches) et 10 000 chevaux. . Une odeur nauséeuse infecte toute la contrée.

Beaucoup de civils trouvent la mort dans des circonstances tragiques, la rapidité foudroyante de l’invasion ne leur a pas permis de s’éloigner de leur domicile, de leur ferme. D’ailleurs, où aller ? et puis, tant qu’il reste un soupçon d’espoir, tant qu’il y a encore possibilité de faire du feu dans la cheminée (âme de la maison), on reste ! Mais les deuils s’accumulent. Il n’est pas de famille qui ne pleure un ou plusieurs disparus. Comment pourrait-il en être autrement dans un semblable chaos. Des combats corps à corps ont lieu sur les abris mêmes où les cultivateurs et leurs familles, des ménages d’ouvriers agricoles[,] sont entassés des journées et des nuits entières dans une ambiance de désolation totale.

La rage hitlérienne avec ses éléments S.S. se donne libre cours. Des soldats perdent tout contrôle de leurs actes. C’est dans cette pénible circonstance qu’au fond d’un fossé servant d’abri, plusieurs personnes sont assassinées à bout portant par la mitraillette d’un forcené nazi18Nazi remplace ici le mot « Boche » du récit de 1947.. (Je me garderai d’entreprendre le récit douloureux des diverses phases de la rude bataille de Montebourg pour lequel un volume entier ne suffirait pas. D’ailleurs, un tel témoignage ne peut appartenir qu’à ceux qui l’ont véritablement vécu.)

Polowski 19Ce mot, plus précisément « z polski », signifie « polonais ».  !

Pendant cette période pénible, chaque habitant de la région s’applique à remonter son moral qui n’est pas brillant. Dans son for intérieur avec un petit rien d’égoïsme, il se répète souvent : ils n’ont pas [d’]intérêt stratégique à venir ici... ou bien : le temps joue en notre faveur...

L’action combinée de la marine et de l’aviation ne se ralentit pas. Sur toute la région, les obus de divers calibres continuent à pleuvoir par-ci par-là. Les carrefours et les voies de communication paraissent plus spécialement visés. Malheur à celui qui s’aventure sur les routes avec une voiture hippomobile, les avions mitrailleurs ont tôt fait de la repérer. Après avoir tourné sur sa proie comme un vautour, « l’oiseau géant » fonce et rarement la pétarade meurtrière rate son but. Des conduites intérieures, des chenillettes, des cars, ferrailles tordues, informes et carbonisées, obstruent les berges et les creux des fossés.

Échappés de la bataille, des êtres hirsutes, dépenaillés, boueux, longent en file indienne les haies et les endroits couverts des petites routes ; un profond découragement a pris la place de leur arrogance. Cela se lit dans leur regard de « bêtes traquées » : « Kamarad’s... beaucoup kapout ! »20Transcription approximative de « Kameraden » au pluriel et de « Kaputt », le tout signifiant : beaucoup de camarades sont morts., nous dit l’un d’eux.

Continuer à assurer les divers travaux des fermes[,] sous un tel régime et pendant une durée qui semble interminable, n’est pas sinécure. Il va sans dire que la majeure partie du personnel de nos exploitations agricoles, situées en première zone, a bien vite essaimé en des endroits qu’[elle croit] plus favorables à [sa] propre préservation. L’exploitant consciencieux, lui, est comme le capitaine d’un bateau en péril : il n’abandonne pas le gouvernail. Les laiteries sont fermées, qu’importe ! En plein champ il va traire la vacherie. Pour lui, la question est claire, dans le métier agricole, le chômage ne peut pas et ne doit pas exister. Maints agriculteurs fabriquent du beurre souvent avec des moyens de fortune ; la matière grasse remplace le pain qui devient de plus en plus rare et de moins en moins bon. La saccharine remplace le sucre21Afin de combler l’absence de produits de première nécessité, la population a bien souvent recours aux « ersatz », ces produits de remplacement.. Des « brebis galeuses » fricotent avec les « frisés ». Il paraît qu’il en fut ainsi au temps des multiples invasions du temps passé.

Un matin pareil aux autres, c’est-à-dire pur et ensoleillé, j’accède [au] monticule à demi fortifié de tranchées et de casemates, occupées peureusement par un petit groupe de « vert-de-gris ». C’est là que, pour l’heure, paît avec « flegme » mon troupeau d’une quinzaine de vaches laitières. On dirait qu’elles prennent un malin plaisir (en tant que vraies Normandes) à venir narguer les derniers maîtres du secteur22L’expression de 1947 « vert-de-gris » désignant les Allemands est remplacée ici par la circonlocution « les derniers maîtres du secteur »., qu’une discipline de fer empêche de toucher à leurs trayons prometteurs. Occupés sans répit à faire le guet le long des boyaux en zigzag qui « plongent » sur la grande route côtière, ils sont visiblement de moins en moins nombreux. Surtout depuis le fameux jour J où presque toute la compagnie est montée à l’attaque sur le front montebourgeois 23Montebourg, étant considéré comme un des derniers remparts avant Cherbourg, revêt pour les troupes allemandes une importance considérable. C’est ainsi que plusieurs bataillons, tel le 919e bataillon, arrivent en renfort pour défendre la bourgade.. Dans le bout de la tranchée, calfeutrée sous des branchages, un grand gaillard, l’air désabusé, accusant la cinquantaine, me regarde tirer le pis. Quelques pas nous séparent... La curiosité m’empoigne, car j’aimerais savoir à quoi il pense[.] D’un ton neutre, je cherche à connaître son « état d’âme »24Initialement dans le texte : « voilé de contrebasse, afin de savoir ce qu’il a dans le ventre ».. Par la force du geste, nous parvenons à nous comprendre. L’index levé vers les « mouchards » 25Terme utilisé pour désigner les avions de reconnaissance alliés. chatoyants qui sillonnent en tous sens ce vaste coin de la voûte céleste, je lui demande ce qu’il pense du débarquement allié. « Nitch goud ! 26« Nicht Gut » signifiant : « Pas bonne ! » la guerre » me répond le soldat, en claquant brutalement son arme contre la paroi de schiste du boyau 27Terme probablement employé pour désigner une petite tranchée. . « Qu’allez-vous faire[,] lui dis-je, si les Américains viennent vous surprendre ici ? » « Kamarad ![ »,] fait-il en levant les bras au ciel ; puis croisant ses poignets l’un sur l’autre : « Voyage pour Canada ! » 28Cette rumeur prend ses fondements le 19 août 1942, lors du raid de Dieppe, où près de 4 700 Canadiens sont engagés et, parmi eux, de nombreux combattants sont faits prisonniers. En représailles d’une exécution d’un soldat allemand lors d’une tentative de coup de main sur Sercq en octobre 1942, les autorités allemandes ordonnent d’attacher les mains des 1 376 Canadiens capturés à Dieppe. Le gouvernement canadien, informé de la mesure, décide de faire subir le même traitement à un nombre égal d’Allemands, détenus dans les camps de prisonniers au Canada. Cette mesure est effective au Canada jusqu’au 12 décembre 1942. Les prisonniers canadiens resteront, pour leur part, menottés jusqu’au 22 novembre 1943. C’est avec un esprit de revanche, près de deux ans après l’échec de Dieppe, en juin 1944, que les troupes canadiennes débarquent en Normandie. À cette première raison s’ajoute une deuxième rumeur qui parcourt les rangs de l’armée du Reich : des éléments « indiens » incorporés à l’armée canadienne se livreraient à des scalps sur les soldats allemands. De là découle cette peur du soldat canadien, la peur de la revanche. . J’ai compris et lui aussi.

Plus loin, à l’autre bout de l’herbage, je passe à une autre laitière.

Dans la double haie, entre deux jeunes troncs d’ormeaux, émergeant à demi du feuillage, un très jeune observateur, les jumelles braquées, contemple la moderne armada mouillée sur les flots mouvants du rivage rutilante de soleil. Les yeux du soldat, bleu pervenche, sont profonds et doux, son visage confiant et ouvert est quasiment joyeux. Devant cette attitude surprenante, dès que ma bête est traite, j’aborde l’homme qui, d’un geste, me fait signe et me tend sa « longue-vue ». Pendant que je rassasie mes prunelles à regarder défiler les tanks alliés grimpant sur la grève entre Sainte-Marie-du-Mont et Saint-Martin-de-VarreviIle, mon drôle de compagnon[,] jonché derrière moi, se met à siffloter en sourdine29La locution adverbiale « en sourdine » remplace ici l’expression de 1947 « tout bas entre ses dents ». l’air populaire de notre célèbre chanson de marche « La Madelon ». Saisi de stupeur, je darde sur lui un visage ahuri !!! Alors le pauvre gars met sa main sur son cœur et murmure : « Polowski ! ». L’homme était-il sincère ? Oui...

Une semaine plus tard, risquant beaucoup30Dans le récit de 1947, à la place de l’adverbe « beaucoup », nous avons le groupe nominal bien plus expressif « le poteau »., j’acceptai spontanément, au milieu de la nuit, de cacher dans le grenier ce Polonais pendant deux jours et deux nuits dans le foin, avec un compatriote. Entre-temps, j’appris qu’un officier polonais avait été recueilli, blessé[,] dans un pré bordant le rivage de la Redoute à Morsalines, et soigné au poste civil de la Croix-Rouge[ :] je m’empressai de les conduire à leur grande joie vers leur compatriote.

Peu de temps après, j’appris de source sûre qu’un Edmond Borkowski et Bronisouav Chonosjski[,] libérés du joug nazi, rejoignirent la légion pour reprendre la lutte et contribuer à la libération de leur héroïque patrie.

Promenade nocturne

Les « vert-de-gris » d’Hitler se moquent maintenant des lois de la guerre comme de leur [première] chemise. Ils veulent nous faire marcher jusqu’à la dernière minute, mais rira bien qui rira le dernier !

Déjà, la pose des milliers de poteaux « anti-planeurs » surnommés les « asperges de Rommel » s’est révélée inefficace et inutile. Le travail forcé avec pelle et pioche est désormais en faillite et la population mâle des adultes soupire de soulagement. Par contre, les cultivateurs sont de plus en plus astreints aux corvées hippomobiles et les transports nocturnes de munitions diverses s’amplifient ; mais ceci n’est pas un signe avant-coureur de l’immense privilège dont notre Val-de-Saire tout entier va bénéficier.

La population, avec une joie profonde, comprend enfin sa chance inespérée en voyant les derniers noyaux de résistance vider les lieux sans tambour ni clairon et... sans « pas de l’oie » pour se retrancher sur une nouvelle ligne de défense qui, d’après eux, est « kolossale » ! C’est ce qu’ils appellent la stratégie élastique. Pour nous, c’est le débarras tant souhaité, tant attendu ! Il y a bien de-ci de-là quelques pièces d’artillerie, de D.C.A. pour continuer à masquer l’envers du décor, mais les disgracieux défilés de chariots à quatre roues ont définitivement disparu de l’horizon routier.

Le procédé employé par l’autorité allemande pour remédier à la crise des transports touche, comme nous l’avons dit, tout possesseur d’un cheval et d’un véhicule.

Étant du nombre, j’invite ce soir le lecteur à monter avec moi en banneau. Prenons courage, c’est peut-être le dernier voyage. Allons-nous aller à Tourlaville ? à La Glacerie ? à Gonneville ? Ne vous tracassez pas ! On ne le saura qu’à l’arrivée, à moins que le vulgaire chef de file, un cavalier qui nous fait face, veuille bien nous l’apprendre. Sous les tilleuls de la place du bourg, notre « dogue-interprète », l’arme sous le bras et le stylo en main[,] « jappe » à son partenaire la répartition du programme. Le déclin du jour enveloppe notre rassemblement d’un manteau sombre. Il fait déjà nuit lorsque la caravane se disloque pour aller faire le plein des bannes. Le convoi doit se regrouper sur le bas-côté de la route du Theil-Cherbourg. L’heure du départ est fixée à minuit. Dieu merci, les soutes à explosif[,] situées dans le flanc de la chasse accédant à l’église Saint-Vigor-de-Quettehou, sont presque vides de leur contenu : là c’est comme à confesse ! Il faut attendre son tour.

Un avion invisible s’approche ; il doit nous chercher. Instinctivement je colle mon attelage contre le mur du presbytère. Une forte détonation éclate dans l’air, c’est un feu de repérage. Sa lumière bleutée illumine les alentours. On y voit comme en plein jour.

Exaspéré par notre nonchalance saturée d’ironie, et par ce brusque rappel à la réalité, le suppôt du Diable − plutôt d’Hitler − laisse écumer sa rage. Ce vrai Boche hurle plus fort que jamais. Impuissant à nous faire débrouiller plus vite, il bouscule sur son passage tout ce qui entrave ses bonds et charge à lui seul plus de la moitié du matériel. Lentement, sans accrocs, le défilé s’ébranle. Ce trajet inconnu ne semble pas réjouir ma brave jument Mouvette : je la sens boudeuse ; lorsqu’elle sent un « habit vert » elle craque des naseaux et elle branle la tête en tous sens (c’est sans doute [sa façon] de protester). Que voulez-vous ! Les caractères ne se refont pas, et... les bêtes sont comme les gens. Comme son maître... elle est hypernerveuse !

Autour de nous, il fait noir à ne pas voir le bout de son nez. Nous avons l’impression de foncer dans un grand rideau barbouillé d’encre de chine. En fait d’éclairage, nous devons nous contenter du minuscule feu rouge qui se ranime de temps à autre au bout des cigarettes des enragés fumeurs, malgré la défense de fumer. Les conducteurs sont renfrognés. Pas un éclat de voix ne vient troubler le déclic des roues qui accompagne les cliq-cloq des sabots des braves juments percheronnes. Longtemps bercés par ce refrain monotone, nous roulons ainsi jusqu’à l’instant où, de nouveau[,] le ronflement du moteur d’avion bombardier nous fait dresser l’oreille. Boum ! Boum ! Ça y est, à environ cent mètres en avant de la colonne, les bombes ont coupé la route. Affolées, les pauvres bêtes se cabrent, leurs muscles tremblent, les naseaux fument. À sa façon, chacun rassure ou apaise. Pendant ce temps, le « Don Quichotte » nouveau style, juché sur son haridelle[,] essaie de s’orienter. Si tous les chemins mènent à la ville, il est en tout cas certain que ceux désignés par [cette] « serpette » de malheur sont pleins de raidillons et de bas-fonds semés de fondrières, qui ne mènent à destination que lorsque l’aube commence à poindre. La masse sombre du château de Brillevast apparaît au centre d’un massif. Il est superflu d’ajouter que 1’allure et l’époque de cette construction sont le moindre de nos soucis. Nous ne voyons qu’une chose et ne visons qu’un objectif : rallier chacun son domicile avant le grand jour.

On nous fait obliquer à gauche, sous une voûte ombragée d’arbres centenaires. Des tonnes de munitions y gisent pêle-mêle dans un désordre indescriptible. C’est dans ce curieux dépotoir que, prestement, nous soulageons nos satanées bannelées31Terme du patois normand désignant ce que contient une petite banne, dite banneau.. Au retour, par bonheur, un temps nuageux[,] renforcé par un brouillard opaque comme une soupe de pois, nous préserve du redoutable mitraillage. Il est 8 h 30 quand, harassée, fourbue comme son maître, ma brave Mouvette rejoint enfin son écurie, en renâclant avec avidité son picotin d’avoine.

L’esprit des bêtes

Ouf ! Voici quarante-huit heures que le dernier Germain est parti avec la... dernière vache ! Ne souriez pas... je veux dire la dernière bête faisant partie du lot de bovins réquisitionnés par ces « Ostrogoths » modernes, mais voilà, ça n’a pas été tout seul.

Figurez-vous que les bêtes à cornes du pays quettehouais ne sont pas collaboratrices ! Vous allez en juger. La veille du grand départ, ces enragés de la Kommandantur avaient organisé chez un cultivateur du Val Vacher (un nom prédestiné) un véritable simulacre de vol, pour le cas où l’imposition projetée ne donnerait aucun résultat satisfaisant. En un rien de temps, la vacherie de cet éleveur fut amenée au lieu fixé et finalement relâchée.

Dans pareil cas, l’imposé qui ne se serait pas conformé à cet ordre aurait manqué gravement à son devoir de solidarité. En le prenant à plusieurs, le fardeau est moins lourd, aussi dès la réception du billet que m’apporte le garde champêtre, je n’hésite pas ! S’il faut ça pour les faire déguerpir, je vais donner la mienne de bon cœur. Dans un clos mal clôturé, on nous ordonne d’attacher nos bestiaux. Naturellement, nous le faisons... le plus mal possible, et cela sans dire avec des cordes pourries ou en papier. Résultat : au cours de la nuit, plus de vingt bêtes sur la trentaine condamnée à mort, pressentant sans doute leur fin prochaine, rompent leurs attaches et prennent illico la poudre d’escampette. La plupart [de ces bêtes,] guidée[s] par leur instinct, rentrent à la ferme de leur propriétaire. La mienne, peut-être d’intelligence plus moyenne, s’était trompée de ferme. Le cultivateur ami, près du bourg, M. Eugène Lefèvre, lui avait bénévolement offert l’hospitalité.

De la peur à la joie

L’incompréhensible bombardement de marine[,] dirigé dans la nuit du 20 juin sur le paisible bourg de Quettehou, semble prouver que le repli définitif effectué par les Allemands, la nuit du 19, n’était pas connu des libérateurs. Un vent de panique communique la chair de poule à profusion, lorsque le cuirassé, allongeant son tir, dévoile ses véritables intentions. Depuis le matin, à Saint-Vaast-La-Hougue, on a eu l’intelligence de hisser le drapeau blanc. Puisque le calme semble y régner, on s’apprête pour en faire autant à Quettehou. Un obus vient faire une visite dans l’atelier garage du mécanicien, puis presque sur le coup un autre dans le jardin du percepteur. Il n’en faut pas davantage pour stimuler l’initiative de quelques débrouillards et réduire les préjugés à retardement. Vite ! Un grand drapeau tricolore étendu à claire-voie au milieu de la place, et la pluie de fer s’arrête. Les agiles « cerfs-volants » piquent sur les toits ; ils volent si bas qu’on dirait qu’ils vont descendre dans la rue. Un aviateur debout dans la carlingue fait des signes amicaux. C’est fini, l’orage est passé.

On pavoise à Quettehou, à Saint-Vaast, à Barfleur et dans toutes les bourgades du canton. L’allégresse est à son point culminant. Oh ! Entendons-nous, une allégresse pondérée, saine, humaine, qui n’insulte en rien le malheur d’autrui. Elle s’épanouit vers les visages des jeunes et s’irradie jusque dans les plis enfumés ou fripés des drapeaux tricolores exhumés des cachettes : ces chers petits emblèmes, eux aussi, en claquant dans le tiède vent d’été, nous chantent à leur manière la joie de la libération et de la résurrection de la France.

Certes, le monstre hitlérien n’est pas encore hors de combat. Ses griffes inassouvies vont pendant longtemps encore patauger dans des ruines nouvelles et se repaître d’autres victimes, mais enfin[,] grâce aux chasseurs enthousiastes qui le pourchassent sans répit, il recule fourbu et geignant sur le chemin de sa tanière.

Décrire l’arrivée des premiers Américains dans nos murs serait répéter ce que tous nous avons vu ou lu sur les photos et les reportages des revues de guerre. Il n’y a pas cinquante manières de manifester du bonheur ; partout, le tableau est le même : des cris de joie, des toasts, des cigarettes, des rires, des fleurs et même des embrassades, « trois coups, à la mode de par t’cheu nous ! »32C’est-à-dire : « Trois bisous à la mode de (par) chez nous »..

Il va de soi que[,] dans le but de retarder la progression blindée et motorisée, les adversaires avant de se retirer ont miné les ponts et les principaux carrefours. Cependant, soit pour une cause, soit pour une autre, la dynamite ne fait souvent son effet.

Non loin de la ferme du Rabey, exploitée par mon ami René Galel, sur la route de Valognes, de gros arbres ont été sciés et couchés au travers de la chaussée. Plusieurs bûcherons pleins d’entrain offrent leur concours bénévole pour dégager le passage. Une superbe tête de chêne est baptisée séance tenante « l’arbre de la liberté ». Solidement crochetée sur un tracteur, elle est traînée en triomphe sur un parcours de trois kilomètres et ame[née,] à l’heure où les coqs chantent, au beau milieu de la place du Marché.

Dans la soirée, légèrement éméchés, quelques joyeux drilles, juchés dans les branches comme « Bacchus » sur son tonneau, y donnent un récital cacophonique avec jazz et baryton.

Il va de soi que[,] dans mon foyer, ce jour mémorable nous remplit aussi d’une joie indicible. Pour marquer à ma manière ces instants historiques faits d’angoisse, de bonheur et d’espoir, j’emploie mes veillées à tirer la synthèse de ces dures épreuves que sut surmonter le tempérament débrouillard et bien normand des braves gens du Val-de-Saire.

  • 1. Une batterie côtière de six canons est la cible de ce bombardement du 10 mai 1944. Située sur les hauteurs de Morsalines, la batterie inquiète les Alliés à cause de sa portée, estimée à une vingtaine de kilomètres, en prévision du débarquement à Utah Beach.
  • 2. Les forces allemandes, ayant perdu le meilleur des troupes (envoyées sur le front de l’Est), ont recours à des incorporations diverses afin de combler le manque d’hommes et aussi de main-d’œuvre féminine. C’est ainsi que nous retrouvons, en Normandie notamment, des recrues issues des territoires occupés de Russie, des prétendus volontaires de différentes nationalités ainsi que des prisonniers russes auxquels on a promis la nationalité allemande.
  • 3. Royal Air Force.
  • 4. Terme sophistiqué utilisé pour évoquer les troupes d’occupation.
  • 5. La Kommandantur est le nom donné au siège local de l’administration des armées allemandes. Présente dans les bourgs et les villes, la Kommandantur régit l’administration du territoire occupé.
  • 6. Terme du patois normand désignant une petite banne.
  • 7. Sœur Anne est un des personnages du conte de Charles Perrault Barbe-bleue.
  • 8. Dans le cadre de la fortification du Mur de l’Atlantique, des barrières directement issues de la ligne Maginot sont disposées en éventail sur la plage, comme c’est le cas à Morsalines.
  • 9. Défense Contre Avion : défense antiaérienne.
  • 10. Dans l’écrit de 1947, pour désigner les Allemands, au lieu de l’expression « vert-de-gris » renvoyant à la couleur de l’uniforme allemand, l’auteur de ces mémoires parle de « frisés », terme familier et péjoratif, altération du mot Fritz, qui est à son tour le diminutif du nom propre Friedrich.
  • 11. Alors qu’il devait être largué sur Ravenoville, un groupe de parachutistes américains se retrouve par erreur dans les environs de Quettehou, à une quinzaine de kilomètres au nord du point de ralliement. Une dizaine de ces parachutistes sont faits prisonniers des Allemands. Les autres seront tués ou se cacheront en attendant l’arrivée des Américains qui libèrent la commune le 20 juin 1944.
  • 12. Bloquées par le verrou de Montebourg, où la résistance allemande est acharnée, les troupes de Collins débarquées à Utah s’engagent dans une course vers l’Atlantique afin de couper la presqu’île. Dans la nuit du 17 au 18 juin, Barneville tombe aux mains des Alliés. C’est la 4e Division d’Infanterie qui se chargera du couloir est pour la montée sur Cherbourg.
  • 13. Valognes concentre entre ses murs, et depuis le XVIIe siècle, les administrations civiles, religieuses et militaires. Elle attire la bourgeoisie. Des hôtels particuliers y sont construits, ce qui vaut à la cité le surnom de « petit Versailles normand ».
  • 14. Adjectif donné à la ville car son monastère bénédictin a été fondé sur le modèle de celui de Mont Cassin en Italie.
  • 15. Valognes subit dès le 6 juin 1944 un premier bombardement. Le 7 et le 8 juin l’aviation alliée bombarde de nouveau la cité, qui devient alors un amas de ruines.
  • 16. Chemin rural encaissé dans le champs ou bordé de haies, du patois normand « cache ».
  • 17. Dans le département de la Manche, les pertes en bétail sont estimées à 100 000 bovins (dont 50 000 vaches) et 10 000 chevaux.
  • 18. Nazi remplace ici le mot « Boche » du récit de 1947.
  • 19. Ce mot, plus précisément « z polski », signifie « polonais ».
  • 20. Transcription approximative de « Kameraden » au pluriel et de « Kaputt », le tout signifiant : beaucoup de camarades sont morts.
  • 21. Afin de combler l’absence de produits de première nécessité, la population a bien souvent recours aux « ersatz », ces produits de remplacement.
  • 22. L’expression de 1947 « vert-de-gris » désignant les Allemands est remplacée ici par la circonlocution « les derniers maîtres du secteur ».
  • 23. Montebourg, étant considéré comme un des derniers remparts avant Cherbourg, revêt pour les troupes allemandes une importance considérable. C’est ainsi que plusieurs bataillons, tel le 919e bataillon, arrivent en renfort pour défendre la bourgade.
  • 24. Initialement dans le texte : « voilé de contrebasse, afin de savoir ce qu’il a dans le ventre ».
  • 25. Terme utilisé pour désigner les avions de reconnaissance alliés.
  • 26. « Nicht Gut » signifiant : « Pas bonne ! »
  • 27. Terme probablement employé pour désigner une petite tranchée.
  • 28. Cette rumeur prend ses fondements le 19 août 1942, lors du raid de Dieppe, où près de 4 700 Canadiens sont engagés et, parmi eux, de nombreux combattants sont faits prisonniers. En représailles d’une exécution d’un soldat allemand lors d’une tentative de coup de main sur Sercq en octobre 1942, les autorités allemandes ordonnent d’attacher les mains des 1 376 Canadiens capturés à Dieppe. Le gouvernement canadien, informé de la mesure, décide de faire subir le même traitement à un nombre égal d’Allemands, détenus dans les camps de prisonniers au Canada. Cette mesure est effective au Canada jusqu’au 12 décembre 1942. Les prisonniers canadiens resteront, pour leur part, menottés jusqu’au 22 novembre 1943. C’est avec un esprit de revanche, près de deux ans après l’échec de Dieppe, en juin 1944, que les troupes canadiennes débarquent en Normandie. À cette première raison s’ajoute une deuxième rumeur qui parcourt les rangs de l’armée du Reich : des éléments « indiens » incorporés à l’armée canadienne se livreraient à des scalps sur les soldats allemands. De là découle cette peur du soldat canadien, la peur de la revanche.
  • 29. La locution adverbiale « en sourdine » remplace ici l’expression de 1947 « tout bas entre ses dents ».
  • 30. Dans le récit de 1947, à la place de l’adverbe « beaucoup », nous avons le groupe nominal bien plus expressif « le poteau ».
  • 31. Terme du patois normand désignant ce que contient une petite banne, dite banneau.
  • 32. C’est-à-dire : « Trois bisous à la mode de (par) chez nous ».
Numéro d'archivage:
  • Numéro: TE114
  • Lieu: Mémorial de Caen
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